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et des gémissemens, conjurant son esprit de descendre ou de monter à lui. Si l’esprit est sourd à ses cris, et ne vient point, l’âme de l’inspiré va le chercher. Pendant qu’elle s’envole, l’homme est tranquille quelque temps ; puis il s’anime et s’exalte insensiblement jusqu’aux éclats de joie, qu’il accompagne pour l’ordinaire d’un certain sifflement, qui, dit Crantz, d’après un témoin oculaire, est semblable au gazouillement des oiseaux qui voleraient en troupes sur un toit, et de là dans la maison. Mais si l’esprit se rend aux vœux de l’inspiré, il s’arrête au seuil de la porte. L’angekok s’entretient avec lui de tout ce que les Groënlandais veulent savoir. On entend distinctement les deux voix des interlocuteurs, l’une en dehors et l’autre en dedans de la maison. La réponse de l’esprit est toujours obscure. Les auditeurs tâchent de l’interpréter ; et s’ils n’en peuvent venir à bout, ils prient l’esprit d’en donner à son inspiré une explication plus claire. Quelquefois un autre esprit s’en mêle pour embrouiller l’oracle ; de façon que ni l’angekok ni son auditoire n’y comprennent rien. Mais la solution, ou le sens de l’énigme, est alors si équivoque, que l’honneur de l’inspiré reste toujours à couvert si la prédiction n’est pas accomplie.

Que si la mission est d’une certaine importance, il s’envole avec son esprit au royaume des âmes, où il est admis à conférer avec un des sages fameux, pour savoir quelle sera la