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forgés pour nuire aux hommes en épouvantant les oiseaux et les poissons. Il n’y a que les angekoks qui les voient, et, pour les mieux voir, ils vont à la chasse les yeux bandés, prennent ces spectres, les mettent en pièces, ou les mangent. C’est ainsi que s’élève un empire fantastique dans la timide imagination des hommes pour y créer et détruire des êtres au gré de l’intérêt, père des crimes et des mensonges.

Les magiciens du Groënland se disposent par des épreuves à l’initiation ; c’est-à-dire, à converser avec des esprits qui habitent les élémens ; car il faut en avoir nécessairement un à sa disposition pour être un angekok, ou réputé magicien. Ils se retirent donc loin du commerce des hommes, dans quelque ermitage ou solitude, occupés à de profondes méditations, et demandant à Torngarsuk de leur envoyer un de ces esprits subalternes. Enfin, à force de jeûnes, de maigreur et de contemplation, l’aspirant parvient à se troubler l’esprit jusqu’à voir des fantômes et des monstres bizarres qui lui apparaissent. Il croit que ses rêveries sont les esprits qu’il cherche, et, dans l’effervescence de son imagination, son corps s’ébranle et s’excite à des convulsions qu’il chérit et qu’il travaille à fomenter de plus en plus. Ceux qui s’adonnent dès leur jeunesse à l’art des convulsions, sous la direction de quelque maître consommé dans ce métier lucratif, sont initiés à peu de frais et sans peines. Quand on veut invoquer Torngarsuk, il faut s’asseoir sur