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parlent de Dieu, ces sauvages croient que c’est de leur Torngarsuk, quoiqu’ils n’attribuent pas à celui-ci la création et l’empire de toutes choses. Du reste ils ne lui adressent ni culte, ni prière, pensant qu’il est trop bon pour attendre des vœux et des offrandes : mais, par une inconséquence que Crantz n’explique pas, ils ont la coutume, dans leur chasse ou leur pêche, de mettre auprès d’une grande pierre un morceau de la graisse ou de la peau de l’animal qu’ils prennent, et surtout de la chair du premier renne qu’ils auront tué ; et quand on leur demande la raison de cet usage, ils répondent qu’ils le tiennent de leurs pères, qui le pratiquaient pour être heureux dans leurs entreprises.

Les Groënlandais, entraînés par cette faiblesse qui semble être naturelle à l’homme de multiplier les êtres invisibles, ont peuplé d’esprits tous les élémens. Ils en ont dans l’air qui attendent les âmes au passage pour leur arracher les entrailles et les dévorer : mais ces esprits sont maigres, tristes, noirs et ténébreux comme le Saturne des Grecs. Ils en ont dans l’Océan qui tuent et mangent les renards, quand ils viennent pour attraper du poisson sur les bords de l’eau ; ils ont des esprits ignés qu’ils voient voler dans les phosphores ou feux follets. Ces esprits habitaient la terre avant le déluge, et quand elle fut submergée, ils se métamorphosèrent en flamme, et se retirèrent dans le creux des rochers. On les accuse de dérouter