Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont une Groënlandaise accoucha, et qu’elle mit à la merci des flots dans un soulier. « Si l’on écoute ce peuple ignorant, dit Égède, c’est pour cela que nous aimons tant la navigation, et que nous donnons à nos vaisseaux la forme d’un soulier. »

Quoique les fables des nations soient en général fort absurdes, et ne prouvent pour la plupart que la folie ou la sottise de l’esprit humain, il est utile cependant de rapporter ces erreurs dans l’histoire de l’homme, qui serait fort courte, si l’on en retranchait la liste de ses extravagances. Les rêveries de la superstition, qui paraissent ridicules, ou même ennuyeuses, à ceux qui les considèrent éparses et isolées, deviennent une source d’instructions pour l’homme éclairé. Car, en les comparant et les rapprochant, il y trouve une ressemblance et des rapports si frappans, qu’il ne peut manquer d’en découvrir l’origine, et de voir mille erreurs naître d’une seule, qui prend toutes les modifications que les variétés du climat et la succession des temps et des événemens doivent y apporter.

Les Groënlandais imaginent des esprits supérieurs et inférieurs, qui ressemblent aux dieux de la première et de la seconde classe qu’adoraient les peuples savans de l’antiquité. Parmi les esprits d’en-haut il en est deux qui dominent dans le monde, l’un bon, l’autre méchant : le bon principe s’appelle Torngarsuk. C’est lui que les angekoks, ou devins du Groënland vont consulter, disent-ils, dans son empy-