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Ceux d’entre eux qui croient un enfer le placent dans les régions obscures de la terre, où la lumière et la chaleur n’entrent jamais ; séjour livré aux remords et aux inquiétudes. Ceux-là, retenus par la crainte de ces peines, mènent une vie régulière et irréprochable.

Ce sont à peu près les idées de religion qu’on retrouve chez les peuples de l’Amérique et les Tartares de l’Asie. Les Groënlandais leur ressemblent par les mœurs, les usages et les opinions ; ce qui prouverait que ce peuple sort anciennement de quelque horde ou troupe errante des deux autres nations. Mais on observe que plus on approche du nord, et plus les opinions, ainsi que les traits du visage, se défigurent ou s’éloignent de leur origine primitive. On croit aussi reconnaître quelques traces de la religion des Européens dans les opinions des Groënlandais sur la création et la fin du monde, et sur le déluge. Il est probable qu’ils le tiennent des Norvégiens. Le premier homme, disent-ils, sortit de la terre ; la première femme, du pouce de l’homme ; et de ces deux êtres tout le genre humain. L’homme introduisit toutes les autres choses dans le monde, et la femme y fit entrer la mort en disant de tous ses enfans : « Il faut bien qu’ils meurent pour faire place à leur postérité. » Un Groënlandais prit des copeaux d’un arbre, les jeta par-dessous la jambe dans la mer, et les poissons remplirent l’Océan.

Dans la suite des temps le monde fut noyé par le déluge ; un seul homme sauvé des eaux