Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les aurores boréales ne sont à l’imagination des Groëlandais que la danse des âmes. Elles ont leurs tentes autour d’un grand lac où foisonnent le poisson et les eiders. Quand ce lac déborde, la terre a des pluies ; et s’il rompait ses digues, elle éprouverait un déluge universel. On voit que tous les peuples ignorans et sauvages sont prêts à imaginer les mêmes rêveries sur la cause des grandes catastrophes du monde. Cependant, Crantz est porté à croire que ces fables ne sont qu’un reste défiguré de la religion juive, que la tradition a fait circuler et voyager jusqu’aux pôles.

Les partisans de l’Élysée souterrain disent que le paradis céleste est fait pour les paresseux et pour les sorciers, dont les âmes maigriront ou mourront de faim dans les espaces vides de l’air, ou qu’elles y seront perpétuellement infestées et harcelées par des corbeaux, ou qu’elles n’y auront ni paix ni trêve, emportées dans les cieux comme par les ailes d’un moulin. Les partisans du paradis prétendent qu’ils n’y manqueront jamais de nourriture, parce qu’on y mange des têtes de phoques, qui renaissent sans doute de la digestion, car elles ne se consument point. Les sages du Groënland se moquent des deux sectes, et se contentent de dire qu’ils ne savent point quelle sera la nourriture ni l’occupation des âmes après cette vie, mais qu’elles habiteront certainement une demeure de paix.