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gration. De tous les dogmes inventés par les hommes il n’en est point de plus ingénieux, de plus consolant, ni même de plus favorable à la société que celui de la métempsycose. Heureux encore les peuples qui, n’ayant point vu la lumière de la révélation, ont confiance à cette douce erreur !

Les Groënlandais les plus sensés, dit-on, mais qui ne font pas, à beaucoup près, le plus grand nombre, croient à une âme spirituelle, qui ne se nourrit point des mêmes alimens que le corps, qui survit à la corruption de ce moule fragile, mais se soutient on ne sait comment. De cette idée d’immortalité naît la croyance d’une vie à venir, qui ne finira jamais ; et c’est sur ce genre de vie éternelle que s’exercent la bizarrerie et la liberté des opinions.

Comme les Groënlandais tirent de la mer la meilleure partie de leur subsistance, ils placent leur Élysée au fond de l’Océan, ou dans les entrailles de la terre, sous ces rochers qui servent de digues et de soutiens aux eaux. Là, disent-ils, règne un été perpétuel (car ils ne connaissent pas de printemps), le soleil n’y laisse pas entrer la nuit ; les eaux y sont toujours claires ; tous les biens y abondent ; c’est-à-dire les rennes, les eiders, les poissons ; mais surtout les phoques s’y pèchent sans aucune peine, et tombent tout vivans dans les chaudières toujours bouillantes. Mais, pour arriver à ces demeures fortunées, il faut l’avoir mérité par l’adresse et