Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le premier auteur du crime qu’on poursuit ne fût un scélérat désavoué de sa famille.

Avec les prétendus sorciers, les formalités sont encore plus abrégées. Quand une femme, qui n’a d’ailleurs que de la charlatanerie et de la ruse, a passé pour sorcière, quoiqu’elle s’en défende, si un homme a perdu son fils, ou n’a rien pris à la chasse, le jongleur qu’on va consulter en rejette la faute sur cette pauvre femme ; et si elle n’a point quelque brave homme dans sa famille qui prenne son parti, tout le canton se réunit pour la lapider, la jeter dans la mer, ou la hacher en pièces. La crainte et l’horreur des sorciers sont quelquefois si furieuses, qu’un homme poignardera sa mère ou sa sœur, s’il les croit adonnées aux maléfices, et personne ne lui reprochera cet horrible attentat. Mais les malheureuses victimes de leur supercherie ne pouvant plus éviter la mort, vont souvent d’elles-mêmes se plonger dans l’Océan, afin de se dérober aux lances qui les poursuivent, et pour ne pas devenir la proie des corbeaux affamés.

Après avoir ainsi présenté le tableau moral des peuples du Groënland sous les points de vue où leurs qualités sont le mieux balancées, Crantz avoue que ces païens méritent à plusieurs égards la préférence sur les chrétiens corrompus, qui font cependant le plus grand nombre des Européens. « Il est vrai, dit-il, que, s’il y a beaucoup de vices qu’ils n’ont pas, c’est uniquement par le défaut d’occasion ou