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dérés qui consument ce qu’ils ont sans songer à ce qui pourra leur manquer. Tout ce qu’ils voient de nouveau leur plaît avant qu’ils sachent l’usage qu’ils en peuvent faire. Enfin on les peint ingrats envers les Européens, et surtout fort obstinés ; ce qui cause, dit-on, beaucoup de peine aux missionnaires, qui ne peuvent leur persuader rien par le raisonnement et les voies douces, ni prendre le moindre ascendant sur leur esprit et leur volonté.

Cependant on avoue que ces qualités, qui forment le caractère national des Groënlandais, ne sont pas sans exception, et que tous les individus n’y participent pas également. Mais dans ces exceptions on cite plus d’exemples du mal que du bien ; soit que le vice et la misère abondent partout beaucoup plus que le bonheur et la vertu ; soit que la nature abandonne au crime ceux qu’elle expose à mourir de faim ; car un désordre physique entraîne presque toujours un désordre moral. Les veuves et les orphelins y éprouvent tous les malheurs attachés à la faiblesse du sexe et de l’âge. Quand un homme meurt, son fils aîné doit hériter de tous les biens paternels, dont le fonds consiste dans une tente et un bateau ; mais il est chargé de soutenir sa mère et les autres enfans, qui partagent entre eux les meubles et les habits. S’il ne survit point de fils d’un certain âge, le plus proche parent du père devient son héritier, à la charge de nourrir la veuve et les enfans ; mais s’il avait lui-même un