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nombre d’Européens qui vivent au milieu d’eux ; et quand ils les voient s’abandonner à certains excès, comme les injures et les coups, ils attribuent tous ces désordres aux liqueurs fortes : « Ces pauvres gens, disent-ils, ont perdu l’esprit ; c’est la mauvaise eau qui les a rendus fous. » Tels sont le sang-froid et la décence des Groënlandais, que, dans toutes leurs assemblées, même de divertissement, sans le bruit du tambour et les contorsions des danseurs, on les croirait réunis dans un temple pour le culte divin, tandis qu’ils pourraient prendre les temples et les solennités religieuses de certains peuples de l’Europe pour des théâtres de décoration et de musique.

Ils ne disent guère une fausseté reconnue ; c’est-à-dire que leur ignorance et la simplicité de leurs mœurs les rendent d’autant moins enclins au mensonge qu’ils sont plus sujets à l’erreur. Jamais ils ne tromperont un voyageur qui leur demande la route d’un endroit ; ils feront plutôt une partie du chemin avec lui que de l’exposer à s’égarer. Mais, d’un autre coté, quand on les accuse de quelque chose de honteux, on ne peut guère savoir d’eux s’ils en sont coupables, tant ils craignent l’infamie. Ce sont des enfans ; il faudrait qu’ils crussent le mensonge plus flétrissant que le crime pour qu’ils détestassent autant l’un que l’autre. Ce serait les tromper que de leur donner cette idée. Le mensonge est plus pernicieux que la violence par la facilité de s’y livrer impuné-