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européens pour ne recueillir que le peu de faits importans à savoir, laissant aux moralistes et aux physiciens le soin d’en tirer les résultats propres au but particulier qu’ils se proposent. On doit se souvenir que cette collection de voyages est un magasin pour les connaissances de toute espèce, ouvert à toute sorte de lecteurs, et qu’on n’y peut satisfaire l’avidité de quelques-uns sans tromper la curiosité de tous les autres. Un écrivain est obligé lui-même de sacrifier son goût à cet intérêt général qui ramène chaque homme à ce qui lui convient. Ainsi, quand on aura dit que les Groënlandais n’ont point de terre en propriété, ni de ces biens qui assurent une subsistance permanente, ni de ces mets ou de ces boissons qui provoquent à l’intempérance, ni aucun des arts ingénieux qui font naître et croître la vanité, ni ce sang échauffé par les ardeurs de la zone torride, qui allume l’amour, la jalousie, la violence et la vengeance ; on verra dès lors que ce peuple, engourdi comme le climat qu’il habite, doit être peu sujet au viol, à l’adultère, au ressentiment et à la colère ; rarement capable de tromper ou d’insulter ; sans envie et sans avarice, n’ayant rien à garder et à convoiter ; moins susceptible d’aversion que d’indifférence pour les hommes et les choses ; point enclin aux querelles, et jamais aux combats, quoiqu’il ne vive que de chasse ou de monstres marins. Aussi sont-ils surpris de certains vices difformes et scandaleux qu’ils observent dans le petit