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corriger les mœurs des gens vicieux. Les assemblées de bal chez les Groënlandais leur servent en même temps de jeux olympiques, d’aréopage, de théâtre, d’académie, de foire, de cour de justice et de barreau. Toutes les affaires se traitent au milieu des plaisirs, qui laissent moins d’accès à la fourberie et à la méchanceté. Si les querelles y sont promptes, elles en sont plus tôt étouffées, et jamais préméditées : c’est le rendez-vous de l’égalité et de la liberté ; chaque père y a de l’autorité sur sa famille, mais personne sur l’assemblée entière. L’esprit public qui règne dans ces marchés se compose de l’esprit particulier qui gouverne l’intérieur des maisons. Chacune de celles-ci renferme plusieurs ménages, mais tous indépendans les uns des autres : aucun chef n’y domine ; aucun n’y prend d’ascendant que par la considération attachée à l’âge, au bon sens, à l’expérience, à la réputation acquise dans la pêche, à la connaissance des temps et des lieux propres à cette occupation. Un homme qui a ce mérite reçoit, sans l’exiger ni le rechercher, l’hommage volontaire de toute la maison, ou du cercle qui lui assigne un logement au nord de la cabane, sans doute parce qu’elle n’est point ouverte de ce côté le plus froid ; on lui défère l’inspection sur le bon ordre et la propreté de l’habitation. Si quelqu’un ne veut pas suivre ses avis, l’inspecteur n’a point d’ordre à donner, ni de peines à décerner : mais toute la cabane arrête et décide en