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repousse le ridicule sur son ennemi : ce combat dure ainsi quelque temps, et la victoire est à celui qui porte le dernier assaut. Il a gagné son procès ; les spectateurs, devenus juges, prononcent la sentence, et donnent la palme à celui qui garde le champ de bataille : ces duels finissent toujours par la réconciliation et l’amitié des combattans. Il est rare qu’il arrive du bruit, du scandale ou des éclats fâcheux dans ces assemblées, à moins qu’un homme, secondé de ses parens ou de ses amis, n’y enlève par force une femme qu’il a dessein d’épouser. Ces sortes de rapts ressemblent à l’enlèvement des Sabines, et peuvent devenir aussi pardonnables. Mais loin d’autoriser les violences et les excès contraires à l’ordre social, on profite du temps de ces assemblées pour inculquer la bonne morale ; et la satire des particuliers devient une instruction pour le public. On y apprend à rendre à chacun ce qu’il a droit d’exiger, à éviter le mensonge et la médisance ; on y censure la fraude et l’injustice, surtout l’adultère, qui renferme l’un et l’autre ; on y diffame les vices et les crimes les plus nuisibles à la société, et la crainte de la diffamation est le plus grand frein qui retienne les Groënlandais. Cette espèce de vindicte publique prévient la vengeance particulière, les trahisons et les meurtres. Cependant on peut dire en général que ces sortes de jeux et de combats satiriques sont plus propres à exercer la langue et la malignité des censeurs qu’à