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s’exercent également à différens tours de danseurs de corde, et n’y paraissent pas maladroits.

Mais dans ces assemblées, qui se renouvellent plusieurs fois l’année, pendant qu’on abonde en provisions de bouche, et que la saison, ne permettant point de tenter la mer, invite à trafiquer, il y a des défis où l’on vide ses querelles par des danses ou des chants, et ces jeux s’appellent la joute des chantres. Un Groënlandais qui se croit insulté par un autre n’en témoigne ni colère ni sensibilité, mais garde sa vengeance, et verse tout son fiel dans une satire qu’il répète en dansant et chantant devant sa famille, et surtout en présence des femmes, jusqu’à ce qu’il la sache bien. Alors il donne un duel à son antagoniste pour le combattre, non à l’épée, mais de la voix ; celui-ci se rend à l’appel, et se présente dans une espèce de cirque sur un théâtre qui n’est qu’un banc. L’agresseur commence à entonner ses couplets au son du tambour ; et ceux de son parti, après chaque vers qu’ils répètent en chœur, ne manquent pas de chanter l’amna aiah ; tandis que l’assemblée applaudit par de grands éclats de rire à tous les traits malins que l’accusateur décoche contre son adversaire. Celui-ci paraît à son tour sur la scène, et répond à la satire par des railleries mordantes, soutenues des applaudissemens de sa bande, et les rieurs passent souvent de son côté. L’auteur du défi revient à la charge, et