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peignes, des rubans et des jouets d’enfans : voilà leur luxe. Ils acquièrent aussi volontiers des fusils, de la poudre et du plomb ; mais c’est un objet d’échange qui ne leur sert pas à grand’chose et sur lequel ils perdent beaucoup. Le tabac en poudre leur tient lieu de petite monnaie, c’est-à-dire qu’ils font et donnent beaucoup de choses pour quelques prises de tabac. Les tailleurs et les cordonniers se contenteront de cette monnaie : on vous apportera des poignées d’édredon, des œufs et des oiseaux, un plat de poisson pour un peu de tabac ; souvent un Groënlandais se dépouillera de ses habits et mourra de faim avec sa famille plutôt que de refuser à son nez de cette fatale poussière, qui est aussi funeste, aussi chère aux peuples sauvages que la poudre d’or l’est aux Européens : elle fait presque autant de mal au Groënland que l’eau-de-vie ailleurs ; heureusement les liqueurs fortes coûtent trop dans un climat si pauvre pour y nuire beaucoup à ses habitans.

Les tristes Groënlandais ont pourtant des danses ; ils ont aussi leurs fêtes. Celle du soleil se fait au solstice d’hiver, pour célébrer le retour de cet astre qui ramène, quoiqu’à pas lents, la saison de la chasse et de la pêche. Il est même singulier qu’on fête le soleil dans le temps où les nuits sont les plus longues et le froid le plus rigoureux ; lorsqu’on ne voit pas, pour ainsi dire, le moindre rayon du jour ; lorsqu’enfin la nature n’offre de toutes parts