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devine aisément ce que c’est ; un autre plat du même fruit nageant dans ]’huile de baleine, pour achever et couronner le dernier service. Le repas se prolonge pour le plaisir de la conversation, c’est-à-dire pour parler de la pêche du phoque. Chacun pousse ses histoires prolixes sur cette matière jusqu’à ce que ses auditeurs bâillent et s’endorment ; car ce repas est un souper.

Ce peuple froid est gesticulateur, parce que le geste est le premier langage de l’homme, et que ce langage d’action domine d’autant plus dans la communication des idées, qu’il est moins suppléé par une langue stérile, comme le sont celles des peuples sauvages. D’ailleurs, il est très-naturel aux hommes qui agissent plus qu’ils ne parlent, de représenter leurs propres actions qu’ils racontent par des gestes imitatifs, qu’ils ont bien plus à la main que la parole ; aussi, quand un Groënlandais conte ses histoires de la soirée aux voisins attroupés autour de sa lampe, et qu’il veut entretenir l’assemblée de la prise d’un phoque, il représente le monstre avec sa main gauche, et le vainqueur, ou lui-même, de sa main droite. Le phoque paraît, c’est le bras gauche ; l’homme s’avance, c’est le bras droit ; il saisit le harpon, il le soulève, il l’incline, il le dirige, il le lance et le pousse avec toute la raideur imaginable ; l’animal (c’est la main gauche) saute et bondit sur le dard, plonge, revient sur l’eau, voit le pêcheur (c’est la main droite qui recule de peur) ; le