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à part dans le plus bel endroit de la chambre qui compose tout l’appartement, et sert, pour ainsi dire, à tous les besoins et les commodités de la vie. Les femmes, dans leur coin, parlent entre elles de leur parens morts, mais avec des hurlemens lamentables, qui sont assez souvent suivis d’historiettes pour rire. Bientôt la tabatière fait la ronde, et chacun y renifle du tabac avec le nez ; usage moins sale peut-être pour des Groënlandais que celui d’en prendre avec des doigts poissés et puans de graisse ou d’huile forte. La tabatière est de corne de cerf, enrichie ou doublée d’étain ou de cuivre. Cependant on prépare et l’on sert le repas ; les étrangers se laissent presser plus d’une fois par leur hôte, gardant un air indifférent, de peur de passer pour pauvres ou pour des affamés. La table est ordinairement couverte de trois ou quatre plats ; et, dans les grandes fêtes, d’un plus grand nombre. Un facteur des colonies danoises, dans un festin qu’il fit avec quelques Groënlandais de la plus haute classe, compta jusqu’à dix plats dans cet ordre : des harengs saurets, du phoque séché ; un plat de phoque bouilli ; du mimiak, c’est de la chair de phoque demi-pourie, et qu’on appelle venée ; des alques bouillies ; une pièce de queue de baleine d’un fumet très-avancé : c’est le mets friand, le plat d’invitation ; du saumon sec, du renne séché ; un dessert de mûres de ronce avec une sauce faite du chyle de renne : or ce chyle n'est point du tout blanc, et l’on