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faits qui vont les confirmer. L’histoire d’un peuple qui n’a fait encore aucun mal au monde aurait intéressé l’apologiste des mœurs des Cannibales. Elle aura sans doute les mêmes attraits pour ceux qui ne peuvent lire sans douleur l’histoire des peuples, du midi, conquérans ou conquis. Qu’ils détournent leurs yeux de ces pays de sang pour les porter sur un tableau de mœurs grossières, mais innocentes.

Quand les Groënlandais se font des visites pour remplir le vide de leurs hivers, elles sont accompagnées de présens ; aussi sont-ils reçus avec des chants de joie : on s’empresse de décharger leurs canots et de les tirer à terre. Ces présens consistent en friandises comestibles, ou en parures de pelleterie, c’est-à-dire toujours de la chair et du cuir de phoque. À ce prix, chacun s’étudie, pour attirer du monde chez soi, à le bien recevoir. Mais de part et d’autre on garde d’abord le silence. Enfin le maître de la maison invite l’étranger à quitter sa casaque de mer, et la met sécher près de la lampe. Il lui offre des habits et des peaux à changer, et le prie de s’asseoir sur le banc ; c’est la place honorable, que les Européens évitent ordinairement, sans doute comme la moins commode, car presque toujours les honneurs sont faits aux dépens des plaisirs. On parle ensuite gravement du temps, de la saison de la pêche et de la chasse ; et c’est tout l’entretien des hommes rassemblés