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encore une fois Crantz, cet historien naïf et fidèle d’un peuple qui est malheureux sans être méchant.

« Les Groënlandais, dit-il, sont moins jaloux entre eux de briller et de se faire valoir que soigneux d’éviter tout ce qui peut leur donner du ridicule ou une mauvaise réputation : ils n’ont point l’art des complimens ni des révérences y et ne peuvent s’empêcher de rire en voyant un Européen qui se tient debout et la tête découverte devant celui qu’il appelle son supérieur, ils ne savent pourquoi, s’indignant surtout quand cette supériorité va jusqu’au point qu’un homme en peut frapper impunément un autre. Ils sont moins attentifs à plaire qu’à ne pas déplaire, exigeant plutôt de la tolérance que de la complaisance, et plus disposés à ne pas s’offenser qu’à se venger. Ils seraient d’autant plus embarrassés à s’insulter et à se quereller, qu’ils n’ont guère de termes injurieux dans leur langue, ou du moins de ces imprécations et de ces juremens si familiers parmi nous. Ils ne rougissent point de ce qui n’a rien de criminel ou d’offensant en soi-même, et se permettent certaines libertés que la nature leur demande comme un effet du travail de la digestion, ne se scandalisant point des sons que la politesse a déclarés sales et malhonnêtes : cependant telle est à cet égard leur circonspection, qu’ils s’interdisent ces familiarités devant les Européens qu’ils en voient rebutés ou choqués. »