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après bien des jours passés dans les horreurs de la faim, le plus chétif repas de ces pauvres sauvages devient un régal. C’est alors qu’on ne laisse pas d’admirer le bon ordre qui règne dans leurs maisons, et même une sorte de propreté qui leur est particulière ; car avec des mains toujours crasseuses, un visage huileux, une odeur de poisson très-forte, ils tiennent leurs habits de fête soigneusement pliés dans une espèce de porte-manteau de cuir brodé à l’aiguille. Quoiqu’ils aient des seaux de cuir qui ne sentent pas bon, toute l’eau qu’ils puisent est conservée dans des fontaines de bois fort nettes, et garnies de cuivre et d’os très-luisans. Enfin, si l’on ne peut attendre d’un peuple qui nage toujours dans l’huile, ou dans le sang des phoques et des baleines, un extérieur aussi supportable même que celui du commun de nos ouvriers et de nos paysans, du moins il règne au Groënland plus de concorde et de tranquillité dans une cabane qui contiendra plusieurs familles de différentes races qu’on n’en trouve dans une de nos maisons composée de quelques personnes du même sang. Quand un Groënlandais ne se croit pas vu d’un bon œil par les gens de la cabane qu’il habite, il s’en va chercher une autre maison sans murmurer ni se plaindre. Toujours prêt à s’assister mutuellement, personne ne repose sa paresse sur le travail d’un autre. Ils sont si fort empressés, à offrir de leur pêche, qu’on ne s’avise pas même d’en demander, et dans ce