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d’ouvrages qu’un couteau fait en demi-lune, comme nos hachoirs de cuisine, une polissoire d’os ou d’ivoire, un dé à coudre, deux ou trois aiguilles. Dans la construction des cabanes, elles font tout l’ouvrage de la maçonnerie, et les hommes celui de la charpente. Du reste, ceux-ci regardent froidement passer les femmes avec de grosses pierres sur le dos. En revanche, ils les laissent maîtresses de tout ce qu’ils prennent ou qu’ils acquièrent, excepté l’huile de baleine, que les hommes se chargent de vendre. Quand il n’y a plus rien dans la maison, et que les provisions sont épuisées, on prend patience de bon accord entre mari et femme, et l’on meurt de faim ensemble, ou l’on mange ses vieux souliers, s’il en reste. Il n’y a que les souffrances de leurs enfans qui leur soient bien sensibles. Lorsqu’une famille n’a point d’enfans, le mari adopte un ou deux orphelins, la femme une fille sans père ni mère, ou une veuve. Ces personnes adoptées doivent servir dans la maison où elles entrent, mais avec une liberté qui leur permet de se retirer quand elles veulent. Un maître ne frappe jamais ses domestiques, surtout les mâles ; et s’il battait une fille, ce serait un déshonneur pour lui.

En général, les femmes du Groënland ne sont point heureuses, si ce n’est dans leur première enfance, et tant quelles restent dans la maison paternelle, où elles sont traitées avec assez de douceur. Mais depuis l’âge de vingt