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Les Groënlandais n’ont pas un sang très-prolifique. Une femme n’a guère que trois ou quatre enfans, et tout au plus six, mettant un intervalle de deux ou trois ans entre chaque grossesse. Lorsque les femmes entendent parler de la fécondité de celles des autres pays, elles les comparent, avec mépris, à leurs chiennes. Rarement elles ont deux jumeaux ; encore moins les voit-on mourir en couches. Elles travaillent le moment d’avant et d’après ; se délivrer d’un enfant n’est pour elles que l’action de la journée. On donne au nouveau-né le nom de son grand-père ou de sa grand’mère, ou du parent dernier mort, et ce nom est ordinairement emprunté des bêtes, des instrumens de chasse, ou de certaines parties du corps humain ; en sorte qu’ils auraient quelquefois des noms déshonnêtes, si leur langue ou leurs mœurs simples pouvaient attacher une idée de mal à ce que la nature a fait pour le bien. Quand ils donnent aux enfans le nom d’un parent mort, c’est pour perpétuer sa mémoire ; mais si sa mort venait d’un accident funeste, on laisserait son nom dans l’oubli, de peur de réveiller la douleur de sa perte. Aussi, quand un homme porte par hasard le nom d’un de ses amis qui vient de mourir, on lui donne un autre nom pendant quelque temps, pour ménager son affliction. Les Groënlandais peuvent donc avoir plusieurs noms, l’un à titre de mérite pour quelque belle action, et l’autre de raillerie pour quelque défaut ; en sorte qu’on les voit