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s’enfonce dans un désert pour fuir la société des hommes, retiré sous le toit d’une caverne, et vivant de sa chasse, ou réduit à piller et voler les passans. Mais ces sauvages fugitifs sont pour l’ordinaire des jeunes gens qui, mariés sans prévoyance, se repentent bientôt d’un choix précipité. Plus l’union conjugale vieillit, et plus les époux s’aiment.

Dès qu’un homme est veuf, il cherche à réparer sa perte, et, peu de jours après la mort de sa femme, il étale tout ce qu’il a de plus beau ; sa personne, ses enfans, sa maison, son équipage de pêche et de chasse ; loin d’annoncer le deuil, tout chez lui semble inviter à de secondes noces. Cependant il n’y passe qu’après un an de veuvage, à moins qu’il n’ait de petits enfans, et personne dans la famille pour en avoir soin. Si le mari veuf est polygame, sa seconde femme remplace la première ; mais avec toutes les apparences d’une affliction qui ne peut être sincère. C’est elle qui mène le cortége des funérailles de sa rivale, et qui verse des larmes avec d’autant plus d’affectation qu’elle a moins sujet de pleurer. Elle caresse les premiers enfans de son mari plus que les siens propres, en les plaignant de ce qu’ils ont été négligés de leur mère, et leur promettant bien plus de soins et de douceurs qu’ils n’en ont encore éprouvé : on n’imaginerait pas jusqu’où va l’artifice de ces femmes sauvages, si l’on ne savait qu’il se trouve dans la nature même du sexe le plus faible.