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gnes désertes, ou se coupe les cheveux ; dernier acte de désespoir, après lequel il n’est plus permis de la solliciter au mariage. Peut-être cette aversion vient-elle de la répudiation dont les exemples sont assez fréquens au Groënland, ou de la liberté que les hommes se sont réservée d’introduire une seconde femme dans leur lit. Quelle que soit la cause de cet éloignement pour le mariage, les parens ne donnent point leur consentement malgré la fille ; mais ils la laissent faire. Alors les deux femmes qui sont dans les intérêts du garçon vont chercher celle qu’il aime, et l’entraînent chez lui de gré ou de force. Après quelques jours qu’elle passe dans l’abattement, les cheveux épars, sans vouloir rien prendre, si elle résiste encore aux semonces de la persuasion, on emploie la violence, et même les coups, dès qu’il le faut, pour la soumettre au joug du mariage. S’échappe-t-elle une seconde fois, on la ramène, et c’est pour l’attacher par des nœuds qu’elle ne voudra plus rompre. En effet, quoique rien ne paraisse plus bizarre ni plus injuste, et plus contraire à l’amour, que ces voies de contrainte dans l’action la plus libre et la plus volontaire par sa nature, il n’est peut-être point de violence et d’injustice plus excusable, et qui ne soit plus tôt pardonnée, car on ne voit guère de Groënlandaise fuir le lit nuptial après qu’elle y est entrée.

Quelquefois les parens préviennent entre eux, par un accord mutuel, l’inclination de