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s’engager dans la ligne, et traîner le canot au fond avec le pêcheur occupé à la lâcher. Si par malheur l’homme se trouve pris, il n’a que les ressources dont on a parlé pour se débarrasser de ses propres filets ; quelquefois, au moment de s’en dégager, il se sent mordre à la main ou au visage par l’animal furieux que la vengeance pousse à attaquer son ennemi quand il ne peut plus se défendre lui-même, car cette espèce a appris de la nature à vendre cher sa vie. Cet instinct de vengeance est surtout la passion des femelles, qui courent à l’agresseur ; et quand elles ne peuvent lui faire d’autre mal, elles assouvissent leur rage en vomissant de grosses lames de mer contre le bateau pour noyer le pêcheur.

Aussi, dans cette pêche, où l’homme est seul aux prises avec le monstre, ne peut-il attraper que l’espèce de phoque la plus stupide. Pour chasser les autres sortes, ou pour prendre plusieurs phoques à la fois, il faut être en troupe. On va les attendre en automne au détroit de Nepiset, dans le Bals-Fiord, entre le continent et l’île de Kanghek. Les Groëlandais les forcent à sortir de leur retraite en les effrayant avec de grands cris et des pierres qu’ils lancent dans l’eau. Quand ces bêtes paraissent, on les poursuit jusqu’à les mettre hors d’haleine et les obliger à rester long-temps sur l’eau pour respirer l’air. Alors ils les environnent et les tuent avec les petits dards de la quatrième espèce. Rien n’est plus curieux à voir que cette chasse,