Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réelle, et les autres de voracité. S’il n’est aucun de nos efféminés qui voulût être transporté dans les neiges du Groënland, combien de nos ouvriers, de nos soldats et de nos paysans qui devraient peut-être souhaiter d’y être nés !

Ce sont les besoins de se nourrir, de se vêtir et de se loger, qui ont inventé les premiers arts ; et ceux-ci restent dans l’enfance, ou font des progrès à proportion des facilités où des obstacles qu’ils trouvent dans la nature. Trop féconde, elle abandonne l’homme à l’instinct de sa paresse ; trop avare, elle retarde et captive son industrie. C’est par une raison prise dans les extrémités du climat, c’est par un même effet des deux excès contraires de la chaleur et du froid que les Africains et les Groënlandais sont bornés aux plus grossiers élémens de l’invention ; les uns n’ont pas assez besoin de travailler, et les autres ont trop de peine pour sortir de leur ignorance et de l’imperfection de leur état social. Il n’est donc pas étonnant que les arts les plus simples soient encore dans leur enfance au Groënland. Le premier instrument que la main de l’homme y ait fabriqué, c’est sans doute l’arc. D’abord cette arme fut un sapin courbé à force de bras ; ensuite on revêtit ce bois, pour rendre l’arc plus raide et plus fort, de tout ce qu’il y avait de plus élastique dans la dépouille des animaux. La baleine fournit le nerf de sa queue pour le ressort de l’arc ; ses barbes pour la corde, et