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cuir blanc, orné de figures brodées à l’aiguille.

Chaque famille a sa tente ; mais les plus aisés logent quelquefois une ou deux familles des plus pauvres ou de leur parenté ; de sorte que chaque tente peut contenir vingt personnes. Le foyer et le dortoir y sont situés comme dans les maisons d’hiver ; mais il règne beaucoup plus d’aisance et de propreté dans les tentes. On n’y respire pas cette chaleur étouffée et cette puanteur qui rebute les Européens. Il faut bien que l’été dédommage un peu les Groënlandais des rigueurs de l’hiver, et que chaque climat ait, sinon ses délices, du moins ses douceurs. Peut-être ne souffre-t-on pas autant dans ces antres du nord, je ne dirai pas que sur les rochers brûlans de la Libye, mais que dans les beaux climats de l’Asie. Si, d’un côté, les entrailles de la terre, endurcies par une glace éternelle, n’engendrent pas une nombreuse population, de l’autre, la chaleur moissonne par la peste la moitié des habitans qu’elle enfante. Là, peu de ces plaisirs dont l’ivresse même est douloureuse ; ici, beaucoup moins de jouissance que de satiété ; là, des travaux inspirés par le besoin pressant, et payés d’un prompt salaire qui l’apaise ; ici, des arts d’imagination qui ne satisfont jamais les passions et les désirs qu’ils excitent. Enfin les Groënlandais ont peu de chose, mais tous en jouissent ; et nous, dans l’abondance de tous les biens, nous périssons les uns d’une faim