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dans la disette des animaux terrestres, ce peuple pêcheur vit de poisson, ou plutôt de cette espèce amphibie qui tient le plus à la terre par sa conformation et ses besoins ; c’est encore une fois le phoque. On en garde la tête et les pieds en été sous le gazon, et tout le corps en hiver sous la neige. Les Groënlandais mangent une pièce de phoque, moitié gelée ou moitié pourie, avec autant d’appétit et de plaisir que les peuples délicats en trouvent dans le gibier. On fait dessécher à l’air certaines parties de l’animal, telles que les côtes, pour les servir ainsi sans autre préparation ; il en est de même du saumon, du lodde et du flétan, qu’on découpe en longues tranches. Pour les oiseaux et la plupart des poissons, on les mange bouillis ou étuvés, mais sans autre sel qu’un peu d’eau de la mer. Quand on a pris un phoque, le premier soin est de fermer la plaie mortelle dont il est abattu, pour retenir le sang dans ses veines jusqu’à ce qu’on puisse le transvaser dans des pots, où on le conserve pour en faire la soupe. On mange les entrailles des petits animaux, sans autre précaution que de presser les boyaux avec les doigts pour en faire sortir les ordures. La matière contenue dans le ventre d’un renne est si précieuse et si exquise au goût des Groënlandais, qu’ils en font des présens à leurs meilleurs amis. Ce ventre de renne et la fiente de la perdrix, préparés dans l’huile fraîche de baleine, sont pour ce peuple ce que sont parmi nous la bécassine et le coq de