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sif regarde le ciel et la mer ; quel temps il aura ; la peine et le danger que le jour lui prépare ; et son front prend l’aspect nébuleux ou serein de l’horizon. Mais quand il n’y a point de travail pour la journée, ou qu’on revient le soir d’une heureuse pêche, c’est alors qu’on est de belle humeur, qu’on parle et qu’on s’égaie dans le calme et la prospérité. Tel est l’homme sur toute la face de la terre ; plus ou moins semblable ou contraire à lui-même, en raison de la variété de ses besoins et de ses goûts, mais toujours abruti par la peine ou tourmenté par le travail.

On a demandé plus d’une fois comment s’est répandu chez l’espèce humaine l’usage de la chair et du sang des animaux. Interrogez les Groënlandais : leur situation vous répondra pour eux. Ils naissent tous chasseurs ou pêcheurs. De quoi vivraient-ils, de quoi s’habilleraient-ils sans les rennes, les oiseaux de mer et les phoques ? Dans les climats de l’Inde et de l’Asie, où des prés toujours fleuris entretiennent sans interruption le lait des troupeaux ; où les arbres continuellement verts ne manquent jamais de fruits ; où les buissons mêmes nourrissent l’habitant qui se repose sous de vastes ombrages ; où le soleil non-seulement dispense de l’invention des vêtemens mais en interdit le fardeau, sans doute ce fut offenser la nature que d’égorger les animaux encore peut-être fallait-il exterminer toutes les espèces avec qui l’on ne pouvait vivre en paix ni en société. De la fécondité de