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mage, disent les gens du pays, qu’il ne soit pas né parmi nous : mais il se fera, ce sera bientôt un homme ; et cela veut dire un Groënlandais. Pour l’ordinaire, ils aiment mieux céder que disputer ; aussi, quand leur patience est poussée à bout, ce sont des lions qui ne craignent plus rien. Ils supportent quelquefois les injures des hommes, comme celles de la fortune, ou comme les maux de la nature, avec une indifférence qui passe le stoïcisme, moins par art et par réflexion que par insensibilité de caractère : mais s’ils prennent du chagrin et de l’animosité pour quelque offense, les y voilà plongés jusqu’au moment de la vengeance ; d’autant plus terribles dans leur ressentiment qu’ils s’y livrent avec plus de peine et l’ont nourri plus long-temps.

Quoique les peuples sauvages, ainsi que l’homme en général et tous les animaux, soient portés à la paresse et à l’oisiveté, la rigueur et la stérilité du climat ne permettent guère au Groënlandais d’être long-temps sans rien faire. Cependant ils ont cette inconstance naturelle aux enfans, qui leur fait entreprendre cent choses et les abandonner ; curieux et bientôt dégoûtés de tout ce qu’ils ignorent. Dans les longs jours du Groënland, on ne dort que cinq ou six heures, et dans les longues nuits, que huit heures au plus ; mais si l’on travaille ou si l’on veille toute la nuit, on dormira volontiers tout le jour. Dès le matin un Groënlandais monte sur quelque éminence, et d’un air pen-