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tites et charnues, les pieds de même ; la tête et les membres assez gros ; la poitrine haute, les épaules larges, surtout les femmes, qui sont accoutumées dès leur jeunesse à porter de lourds fardeaux. Ils ont le corps fourni de chair, communément gras et très-sanguin ; avec ce préservatif naturel, et des fourrures bien épaisses, ils s’exposent au froid la tête et le cou nus ; et dans leurs maisons ils ne se couvrent que depuis la ceinture jusqu’aux genoux ; mais la vapeur chaude qui sort de leurs corps en cet état n’est pas supportable aux Européens. Un missionnaire a de la peine à y résister dans l’église, même en hiver ; car les Groënlandais exhalent tant de chaleur, qu’il y sue à grosses gouttes, et ne peut respirer par l’épaisseur des émanations de son auditoire.

Les Groënlandais ont le pied leste et la main adroite. On voit chez eux peu de malades, d’infirmes, d’avortons, ou d’enfans contrefaits. D’ailleurs peu propres à ce qu’ils n’ont jamais fait, ils sont habiles dans les choses d’habitude. Ils montrent en général beaucoup de courage ; et ce n’est pas cette ardeur passagère et momentanée qui naît de la vivacité de l’imagination, mais plutôt cette constance qui vient de la force du corps. Un homme qui n’aura rien mangé depuis trois jours, ou qui ne sera repu que d’algue ou d’herbe marine, luttera hardiment avec son canot contre la tempête et la fureur des vagues. Les femmes porteront jusqu’à quatre lieues sur leurs épaules un renne tout entier,