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Après les différentes espèces de phoques qui abondent le plus dans la mer du Groënland, Crantz place le morse, auvek. Cet animal n’ayant, avec ses deux longues défenses, comme l’observe Crantz, que des dents molaires et pas de dents incisives, ne peut guère attraper ni manger du poisson à cause de ses défenses, qui semblent plus faites pour repousser les ours sur la terre ou les glaces que pour attaquer les habitans de la mer. Cependant il s’en sert à tirer les moules du sable et des cavernes, et quelquefois à grimper lui-même ; car il s’attache et se suspend aux glaces et aux rochers par ces mêmes défenses, élevant ainsi son corps massif et lourd. Il y a des gens qui pensent que le morse vit non-seulement de moules et d’algue, mais encore de chair, parce qu’on le voit prendre à terre des pièces de baleine qu’il emporte sous l’eau ; cependant on ne peut rien conclure de ce fait, car les Groënlandais assurent que ce monstre emporte de même des poules d’eau, mais pour jouer en les faisant sauter en l’air, et les recevant dans sa gueule, sans les manger. La défense gauche que j’ai vue, poursuit Crantz, avait un pouce de moins que la droite, et celle-ci en avait vingt-sept de longueur, dont sept pouces étaient cachés dans la racine qui est au crâne, et qui peut avoir huit pouces de circonférence. Une de ces dents pesait quatre livres et demie, et le crâne entier vingt-quatre livres. On tuait autrefois beaucoup de morses pour en avoir les dents ; mais depuis qu’ils ont éprouvé