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son volume occupe, jusqu’à l’inconcevable zoophyte, cette production animale et végétale de la mer !

Mais, continue Crantz, cette étude demande l’homme tout entier, et le séjour de toute sa vie dans le véritable pays des poissons. On ne doit pas attendre une ichthyologie exacte ni complète d’un missionnaire qui n’a ni l’inclination ni le temps de s’y adonner. D’ailleurs le Groënland n’est pas aussi pourvu de poissons, du moins pour la variété des espèces, que bien d’autres côtes du nord situées sous la même latitude. Comme ses rivières ne sont point grandes, ou que du moins on ne peut les remonter bien avant, à cause des glaces qui couvrent les baies ; que d’ailleurs les lacs enfermés dans les terres sont aussi presque toujours glacés, on ne trouve guère dans tout le Groënland que deux sortes de poissons d’eau douce, qui sont le saumon et la truite saumonée. Celle-ci vient en abondance dans les ruisseaux ; elle y est très-grosse et fort grasse ; le saumon, plus rare, ne se trouve que dans certains endroits. Les Groënlandais prennent ces poissons avec la main sous les pierres, ou les percent avec une fourche. Dans le temps où le saumon remonte de la mer dans les rivières, ils bâtissent à l’embouchure un réservoir de pierre avec une écluse. Le saumon passe par-dessus l’écluse dans les grandes marées ; mais pour peu qu’il s’amuse à jouer dans l’eau douce où il est entré, le flot baisse, l’eau se retire à la fin, et laisse le poisson presqu’à sec,