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tant la nature est prompte à remplir les vides dans cette mer, qui ne peut, ce semble, non plus manquer de poissons que d’eau. En effet, quoique chaque espèce y naisse dans son temps, il n’y a pas un mois dans l’année qui n’en fournisse son tribut à l’Océan. « Mais, dit très-bien Crantz, c’est la prodigalité même de l’auteur de la nature qui nous rend insensibles à ses bienfaits, et l’habitude de voir ses trésors grossir sous la main qui les dissipe fait qu’on en jouit sans s’en apercevoir. »

C’est surtout au nord qu’on peut admirer, dans la sage compensation que la nature a faite de ses richesses, combien les hommes sont dédommagés de la stérilité de la terre par la fécondité de la mer. C’est là qu’un naturaliste doit aller étudier l’ichthyologie. La meilleure école de cette science est dans les mers glaciales. Quel vaste champ pour un esprit curieux de connaître non-seulement les formes et les espèces qui distinguent les poissons en troupeaux innombrables, mais aussi le caractère, les propriétés, l’industrie et l’instinct de ces animaux stupides et muets ! Quel sujet de profondes méditations que le progrès insensible d’organisation et de vie qui s’étend et se développe dans les habitans du vaste Océan, depuis l’insecte imperceptible aux yeux jusqu’à l’énorme et prodigieuse baleine ! Et si l’on veut descendre l’échelle des êtres, quelle chaîne à parcourir depuis le kraken, ce monstre presque fabuleux par l’immensité de l’espace que