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sent à leur tour les harengs vers les côtes et les baies où les monstres de mer ne peuvent avancer à cause de leur pesante grosseur. C’est là que le hareng, échappé à tant d’ennemis, tombe entre les mains de l’homme. Le sauvage pêcheur du nord, non content de s’en nourrir, en fait une provision dont le prix sert à lui procurer ce qui lui manque.

Par un cours de l’industrie entièrement opposé, ce semble, à celui de la nature, c’est l’habitant des climats tempérés qui va dans une mer glaciale porter les denrées de premier besoin aux Groënlandais, pour en rapporter des provisions utiles sans doute, mais en quelque façon superflues, eu égard à la fertilité des terres qu’il habite ou dont il est environné. Ainsi l’abondance des grains règne souvent dans un pays où l’on ne sème ni ne recueille ; tandis que la terre même la plus féconde voit ses habitans périr dans la disette des biens qu’elle leur a donnés. Combien de gens nés dans nos ports, qui pourraient défricher et cultiver des landes et des sables que la mer nous a laissés, vont sur les côtes du Groënland affronter les glaces flottantes, et s’exposer à mille morts pour y pêcher le hareng et la baleine ! Il faut pourtant avouer que cette pêche est un présent du ciel pour les peuples du nord, qui non-seulement peuvent en subsister, mais en retirent des sommes considérables. On sait le profit immense que vaut à la Hollande la pêche du hareng et de la morue. La Norwége, pays très-pauvre, et