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dire, qu’une dépendance de la souveraineté des mers. Ce ne sont, en quelque sorte, que des terres adjacentes à l’Océan, et c’est bien là que le maître de la mer l’est aussi de la terre. Si la patrie est le lieu où l’on vit, les Groënlandais appartiennent plus à l’élément qui les nourrit qu’à celui qui les voit naître, puisqu’ils ne pourraient subsister sans les ressources de la mer. C’est donc par la pêche qui se fait dans le Groënland que l’habitant de ce pays devient utile à presque toute l’Europe, à laquelle il fournit une branche importante de commerce ; ainsi, par une singularité bizarre, un pays qui manque du nécessaire nous donne le superflu. Le nord est en même temps le rendez-vous des habitans des mers les plus nombreux et les plus rares, les plus petits et les plus gros ; car y a-t-il de contraste plus frappant entre deux espèces, soit pour le volume ou pour le nombre, que celui qu’on voit entre le hareng et la baleine ? Le nordcaper dévore les harengs par milliers, et en détruirait l’espèce, si l’instinct ne les avertissait de se dérober sous les glaces aux poursuites de leur ennemi. À peine l’espèce innombrable s’est-elle engraissée et repeuplée dans sa retraite, qu’à la fonte des glaces, et aux premières ardeurs du soleil, elle disperse ses essaims de toutes parts dans l’Océan, vers les climats les pins doux ; mais bientôt ces colonies rencontrent le maquereau, le merlan et d’autres poissons voraces, qui, poursuivis par le nordcaper et d’autres monstres marins, chas-