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place qu’elle occupe. Mais n’est-ce pas abuser pour ainsi dire de la confiance même qu’on doit à la Providence que de pousser si loin le système ou la manie des causes finales ? Quand la nature et son auteur ont voulu que les hommes, les monstres et les oiseaux carnassiers vécussent et peuplassent, sans doute plus d’une proie a été assignée ou livrée à leur faim meurtrière. Ce n’est pas à nous qui détruisons tout, et qui sommes les tyrans de la terre, à prêter à la Divinité des desseins de bienfaisance que nous démentons sans cesse par nos cruautés ; à moins que nous ne prétendions soustraire la perdrix à l’œil du vautour pour la réserver sans partage à notre voracité.

Cependant Crantz, dont le zèle cherche partout des traces de l’esprit immortel et conservateur qui veille sur les êtres périssables, a peut-être raison de reconnaître cette vigilance universelle dans la conformation de l’oiseau dont il nous donne l’histoire. C’est en effet dans l’organisation de chaque espèce que sont les semences de vie et de mort de tous les individus, et la raison suffisante de leur durée. Ainsi, quand on observe que la perdrix du nord a les ongles des pieds garnis d’une sorte de bourrelet épais et revêtu d’une plume qui ressemble à la laine, on a droit de présumer avec notre sage missionnaire, que ce duvet est une sorte de fourrure créée exprès contre le froid. Quand on voit que les doigts de ce même oiseau ne sont pas entièrement séparés