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piéges qu’on leur tend, elles vont se jeter dans le piége même. On a de plus observé que, lorsqu’elles voient un homme qui les épie, loin de se cacher entre les pierres, elles se trahissent par le bruit qu’elles font en sortant la tête du trou. Dès que le chasseur est à leur piste, la peur les aveugle au point qu’elles l’attendent dans l’endroit même où l’œil de l’oiseleur semble les arrêter, ou n’en sortent qu’en se traînant d’une aile tremblante jusqu’à ses pieds et sous sa main. On les voit pourtant en hiver se tapir sur la neige pour se cacher, comme si cette saison leur donnait plus de jugement qu’elles n’en montrent en été : ce ne serait pas au reste la seule espèce de créatures en qui l’on verrait plus de génie durant le froid que pendant les grandes chaleurs. Combien d’auteurs écrivent des pages brûlantes dans les temps de glace, et des phrases sèches et froides durant les ardeurs de la canicule ! Quant à l’oiseau du nord, dont tout l’instinct se borne à pourvoir à ses besoins, Crantz croit, en pieux missionnaire, que la Providence a pris un soin marqué de conserver cette espèce stupide. La couleur de ses plumes, dit-il, supplée à l’attention qui lui manque pour se dérober aux oiseaux de carnage, dont il serait la proie : durant l’été, le peu de plumage qui lui reste est d’un gris de la couleur des rochers, et dans l’hiver, il est blanc comme la neige ; de sorte que l’oiseau ravisseur ne peut distinguer la perdrix de la