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CHAPITRE II.

Bêtes, oiseaux et poissons.

Le Groënland, cette terre marâtre, a mis, pour ainsi dire, tous ses habitans en guerre, lorsqu’elle n’a donné à l’homme, pour le nourrir et le vêtir, que la chair et la peau des animaux. C’est donc là qu’il naît carnassier et meurtrier par une fatale nécessité ; c’est dans ces sortes de climats les plus inhabitables qu’a dû commencer la société entre des chasseurs ou des pêcheurs que des dangers et des besoins communs, mais surtout des rencontres fréquentes en des lieux resserrés et coupés par les glaces et les eaux, auront sans doute bientôt réunis et fait passer d’un état d’hostilités passagères à la stabilité d’une paix que semble commander et maintenir un genre de vie laborieux, pénible et misérable. Les Groënlandais, quoique toujours armés, ne sont pas cependant inhumains et sanguinaires ; ce caractère odieux n’appartient qu’à nos sociétés policées, où l’on verse le sang des hommes sans aucune de ces extrémités pressantes et de ces hasards imprévus et inévitables où nous jette malgré nous la nature. Le Groënlandais est pêcheur, parce que la terre lui refuse des grains et des fruits ; il est chasseur, parce que la faim le met aux