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la production tire quelque substance de l’ordure et des immondices de l’homme.

C’est ici le lieu de parler des plantes de la mer, peut-être plus nombreuses que celles de la terre, surtout au Groënland, où l’un de ces élémens s’enrichit tous les jours aux dépens de l’autre ; car les pluies, roulant dans l’Océan tout ce qu’il y a de germes sur les montagnes, le fond des mers, s’il venait tout à coup à se découvrir, offrirait peut-être, en certains endroits, un aspect moins aride et moins effrayant que celui des terres du Groënland. Ces sables, profondément cachés, que le flot et le flux battent et remuent sans cesse, ne sont pas sujets aux frimas, et ressentent sans doute l’influence de l’humide végétal que la mer y dépose elle-même, ou du moins qu’elle y nourrit. Cet élément, si terrible pour tous les êtres vivans qu’il n’a pas conçus dans son sein, crée et produit aussi ses végétaux dont il nourrit la plupart des animaux qui l’habitent, puisqu’ils ne vivent pas tous les uns des autres. Ces grottes et ces campagnes toujours vertes que l’imagination des poëtes nous fait voir dans le palais de Téthys, ne sont donc pas une pure fiction, mais une exagération des richesses que la nature recèle et conserve au fond du lit des mers, comme un dépôt qu’elle doit rendre un jour.

Quoi qu’il en soit de ces conjectures, la mer a ses gazons : on en trouve sur les côtes du Groënland, qui sont hérissés d’une herbe longue et rameuse, mais dont les nombreuses racines