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en verra douze tiges sortir d’une racine, quoiqu’il ne soit sur pied qu’un seul hiver. La semence en tombe sur la terre en automne ; sans doute que les oiseaux l’y portent, ou quelle se trouve dans leur fiente. La plante se fait jour au printemps, on la cueille avant les grands froids, et on la garde tout l’hiver cachée exprès sous la neige, pour en faire une soupe dont le goût paraît excellent, du moins dans un pays où tout manque.

C’est un spécifique contre tous les maux : aussi en mange-t-on de toutes les façons, et surtout en salade ; car, loin d’être désagréable au goût, comme en Europe, le cochléaria du Groënland a un certain aigre-doux qui plaît quand il est fraîchement cueilli : cependant, lorsqu’on en mange beaucoup le soir, il trouble le sommeil ; ce qui prouve que, comme il abonde en sucs échauffans et stimulans, il doit faciliter la circulation du sang. « Toutes les fois, dit Crantz, que je me suis senti dans l’hiver quelques symptômes de scorbut par le défaut d’exercice, comme une certaine mélancolie, de la pesanteur dans les membres, des vapeurs, une chaleur ou une oppression de poitrine, et d’autres semblables incommodités qui peuvent être accompagnées de quelque éruption cutanée, une poignée de cochléaria, jetée dans un verre d’eau froide, m’a délivré promptement de tous ces maux. » C’est un antidote universel pour les Groënlandais ; mais ils ont une aversion invincible pour tous les végétaux dont