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où la nature se refuse à tous les vœux et les efforts des hommes, où la terre et la mer semblent défendre d’aborder et d’habiter, où le froid enfin ne laisse ni sol, ni suc, ni rien de tout ce qui peut offrir, je ne dis pas un séjour, mais un passage aux voyageurs ? Car le Groënland n’est pas même un chemin sûr pour aller au pôle, fut-il d’ailleurs ouvert pour l’Amérique.

Comment s’arrêter ou passer dans des terres où les montagnes ne sont que pierre et glace et où la plupart des vallons sont à peine couverts d’un peu de mousse et d’herbe, productions de quelques marécages ? Les coteaux les moins escarpés qui retiennent une légère portion du sable et de la terre que les torrens de pluie et de glace entraînent des montagnes, les lies qui n’ont pour habitans que des oiseaux sauvages, dont le fumier rend à ces terres ingrates plus de sève et d’aliment qu’elles n’en fournissent ; ces collines et ces îles ne produisent que quelques herbes éparses parmi des bruyères et des buissons. Encore cette verdure est-elle courte et maigre en raison de l’aridité du sol proportionnée à la rigueur du climat glacial. Cependant, autour des cabanes et des tentes des Groënlandais, les sables que la mer a jetés ou laissés sur le roc, nourris du sang et de la graisse des baleines qu’on pêche sur les côtes, reproduisent en retour une assez grande qualité d’herbe épaisse et fine, mais qui n’est ni si haute ni si large qu’en Europe, parce qu’elle pointe, mûrit et sèche en très-