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même dans le temps où le ciel paraît le plus serein. « J’ai vu, dit notre voyageur, un arc-en-ciel qui, au lieu de ses couleurs dominantes, n’offrait aux yeux qu’une raie d’un gris pâle sur un fond blanc. Le temps était alors obscurci et troublé par un nuage de grêle. Mais parmi tous les phénomènes, ce qui m’a le plus frappé et le plus occupé l’imagination, c’est d’avoir vu, dans un beau jour d’été fort chaud et très-clair, les îles de Kokernen présenter un aspect tout différent de celui qu’elles ont naturellement. D’abord elles paraissaient plus grandes comme à travers un verre de loupe, et si voisines, que de Godhaab où j’étais j’en comptais à quatre lieues de distance toutes les pierres et les creux remplis de glace. Quelque temps après la scène changea de face, et ne laissa voir qu’une campagne couverte d’un bois taillis. À cette décoration succéda bientôt un tableau mouvant de toutes sortes de figures où se représentèrent tour à tour des vaisseaux avec leurs voiles et leurs pavillons, des châteaux antiques et ruinés avec des tours renversées, des nids de cigognes et mille fantômes semblables que les nuages peignent souvent à l’imagination, mais qui, s’éloignant peu à peu, s’évanouirent enfin sans retour. Dans ces sortes d’apparitions, l’air est ordinairement clair, mais cependant chargé de vapeurs subtiles comme dans un temps chaud et pesant. Lorsque ces vapeurs s’arrêtent à une certaine distance entre l’œil de l’observateur et les îles