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mars, tandis qu’en Europe elle régna constamment depuis octobre jusqu’au mois de mai. Celui qui fait cette observation ajoute que le soleil, qui a coutume de reparaître au Groënland peu de jours après le nouvel an, ne s’y laissa voir qu’en février, quoique le ciel y fût clair et serein. L’observateur attribue ces deux effets, très-singuliers en eux-mêmes et par leur contraste, aux exhalaisons douces et imperceptibles qui furent repoussées aux bords du Groënland par les froids rigoureux des climats plus tempérés.

De même, l’hiver de 1763, qui fut extrêmement froid dans toute l’Europe, se fit si peu sentir au Groënland, qu’on y a vu quelquefois des étés moins doux.

En général, l’air du Groënland est pur, léger et très-sain. On y peut vivre long-temps en bonne santé, pourvu qu’on ait attention de s’y tenir habillé chaudement et d’y prendre une nourriture frugale et un exercice modéré ; aussi n’y voit-on guère aucune des maladies communes en Europe, ni d’autre incommodité que le scorbut, et quelques maux d’yeux, ou douleurs de poitrine, qui procèdent des diètes longues et forcées, des froids excessifs, et de la blancheur éblouissante des neiges ; mais ces maux sont rares. Les premiers missionnaires allemands que le zèle a transportés dans ces climats éloignés y ont joui trente ans d’une santé vigoureuse, sans aucune maladie considérable, malgré la vie étroite et dure qu’ils y