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fois sont si épais, qu’à peine peut-on voir les vaisseaux devant soi. Souvent le brouillard est si bas, qu’on le confond avec l’eau même d’où sa vapeur s’élève ; mais alors la cime des montagnes en est plus claire, et le voyageur, respirant aux rayons du soleil, porte sa tête au-dessus des nuages, tandis que ses pieds marchent dans les ténèbres.

En général, la plus belle saison du Groënland est l’automne ; mais sa durée est courte, et souvent interrompue par des nuits de gelée très-froides. C’est à peu près dans ce temps-là que, sous une atmosphère noircie de vapeurs et teinte de rayons, on voit les brouillards, qui se gèlent quelquefois jusqu’au verglas, former sur la mer comme un tissu glacé de toile d’araignées, et dans les campagnes, charger l’air d’atomes luisans, ou le hérisser de glaçons pointus semblables à de fines aiguilles.

On a remarqué plus d’une fois que le temps et la saison prennent dans le Groënland une température opposée à celle qui règne dans toute l’Europe ; en sorte que, si l’hiver est très-rigoureux dans les climats tempérés, il est doux dans le Groënland, et très-vif en cette partie du nord quand il est le plus modéré dans nos contrées. À la fin de 1739 l’hiver fut si doux à la baie de Disko, que les oies passèrent, au mois de janvier suivant, de la zone tempérée dans la glaciale pour y chercher un air plus chaud ; et qu’en 1740 on ne vit point de glace à Disko jusqu’au mois de