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monceaux, et jamais elle n’y séjourne long-temps ; quand elle ne fond pas au soleil, le même vent qui l’a entassée la disperse en tourbillons d’une poudre si subtile, que les habitans n’osent se montrer hors de leurs portes. Il y a des années de suite où la neige séjourne depuis l’équinoxe d’automne jusqu’au solstice d’été, accumulée en certains endroits creux ou bas, à la profondeur de plusieurs brasses, où elle gèle bientôt de façon qu’on y peut marcher en sûreté avec des raquettes ou souliers de neige ; et alors on voit quelquefois pleuvoir bien des jours avant qu’elle dégèle et se fonde.

L’été du Groënland, moins long qu’ailleurs, y est pourtant assez chaud pour qu’on soit obligé de se dégarnir quand on marche ; surtout dans les baies et les vallons, où les rayons du soleil se concentrent sans que les vents de mer y pénètrent. L’eau qui reste dans les bassins et les creux des rochers après le flux s’y coagule au soleil, et s’y cristallise en un très-beau sel de la plus éclatante blancheur. Enfin la chaleur devient si vive sur cette même mer où la glace a duré six mois, que, dans certains jours sereins de l’êté, le brai et le goudron se fondent tout autour des vaisseaux ; mais ces effets sont rares, soit parce qu’ordinairement les étés sont rafraîchis par des vents qui soufflent du côté des îles de glace, au point que le soir on est obligé de reprendre ses doubles fourrures ; soit à cause des brouillards frais qui règnent sur la côte depuis avril jusqu’au mois d’août, et qui quelque-