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une petite montagne, d’où j’aperçus au nord la baie couverte de glace vers son embouchure. J’eus la curiosité de traverser un marais d’une demi-lieue de largeur, tapissé d’un gazon, où passent les Groënlandais quand ils vont, avec leurs canots sur la tête ou sous le bras, prendre des phoques aux bords de la baie. Mais, comme je ne pouvais pas bien voir les glaces dans toute leur étendue, j’avançai plus loin, par ce même chemin, sur une langue de terre élevée. Là, je découvris un champ de glace qui s’étendait à la longueur de douze lieues sur une de largeur. Un peu plus loin, on la voit occuper jusqu’à vingt lieues dans ces deux dimensions ; mais je ne pus discerner la mer d’aucun coté, quoiqu’un certain brouillard dont elle se couvre me fît juger à peu près où devait être l’embouchure de la baie. Il ne me fut pas permis d’aller plus loin ; il était dix heures du soir, et le soleil se couchait. Du côté de l’est, ou des terres, je vis une plaine de glaces brisées flotter l’espace d’une lieue en long sur une demi-lieue de large. Elles s’élevaient ensuite, autant que je pus les distinguer, jusqu’à la hauteur d’une tour assez grande, et présentaient, d’une montagne à l’autre, comme une rue de maisons, avec des toits en talus terminés en pointe. Je m’imaginai que c’était là la fin de la baie ; car au delà je vis la glace s’élever en amphithéâtre entre les montagnes l’espace de six lieues, semblable aux cascades d’un torrent écumeux qui se précipite de roche