Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la mer se glace rarement à plus de six pieds de profondeur, et qu’on ne la trouve jamais prise jusqu’au fond dans les baies les plus petites et les plus calmes, on observe que ces pièces de glace ne sont point salées, mais douces comme l’eau des rivières ; il est donc à présumer qu’elles sortent, pour la plupart, des fleuves et des ruisseaux, ou des montagnes et des rochers qui les forment dans leurs profondes cavernes.

Ces montagnes sont si hautes, que la neige, surtout quand elle vient du nord, ne saurait y fondre le jour et doit se glacer la nuit. Elles ont des cavités où le soleil ne darde jamais un de ses rayons ; il y a sur la pente de ces montagnes de petits tertres où la neige et la pluie se tournent en glace. Lorsque les monceaux de neige viennent à s’affaisser sous leur propre poids, et qu’entraînés par la pluie ils roulent sur le sommet de ces écueils qui sortent et s’avancent des flancs d’une montagne, alors ils rencontrent une espèce de plaine ou de plateforme élevée, où les glaces s’étant comme enracinées, la neige se gèle et grossit de toute sa masse durcie l’ouvrage des hivers. Il s’y forme à la longue une épaisseur de glace où les nuits ajoutent beaucoup plus de volume et de poids que les beaux jours n’en peuvent diminuer. Ces masses énormes, qui sont comme accrochées ou suspendues aux rochers, fondent bien moins à leur sommet qu’au pied ou dans les voûtes et les creux que le dégel y