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Enfin la douzième est à Noogsoak, à l’extrémité du Weigats. Elle fut érigée en 1758.

La nature a semé par tout l’univers des objets dignes de notre contemplation ; et lorsqu’elle cesse de nous prodiguer ses bienfaits, elle attire encore nos hommages, même par l’effroi qu’elle nous inspire. Mais parmi les horreurs dont elle s’environne quelquefois, et qui doivent entrer dans le dépôt de ses trésors pour composer le système d’où résulte le bien universel, rien ne mérite plus l’attention d’un être intelligent et curieux que ces masses énormes de glace dont elle a revêtu les pôles du globe, et fortifié pour ainsi dire les pivots de la terre.

Il faut que le Groënland soit comme pétrifié de glaces, à voir la prodigieuse quantité qu’il en flotte au loin sur toute la face des mers dont ce pays est entouré. C’est un spectacle qui n’est pas sans quelque plaisir que ces montagnes de glaces, qui représentent à l’imagination tout ce que l’œil a vu sur la terre, et où la nature semble se divertir à reproduire les ouvrages de l’art. Tantôt c’est une église avec un clocher qu’on se figure voir dans le lointain ; tantôt un château avec ses tours et ses créneaux ; quelquefois c’est un vaisseau qu’on croit fendre la mer à pleines voiles ; et souvent il arrive qu’un pilote, trompé par l’éloignement et la ressemblance, s’écarte de sa route et redouble la manœuvre pour aborder ce navire imaginaire ; d’autres fois ce sont de grandes îles couvertes de plaines, de