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Groënlandais eût jamais été. Je découvris que, quoiqu’il ne paraisse aucune différence entre la terre ferme et la mer, quand elles sont couvertes d’une croûte de glace immobile, il peut fort bien y avoir de l’eau où l’on n’imagine que de la terre. Je compris de plus que des glaces pouvaient être entraînées par le courant dans la haute mer, sous un détroit dont la surface est glacée ; car on ignore quand et comment se ferme l’embouchure de la baie qu’on appelle le pont de Glace. Il est probable qu’au fort de l’hiver, durant le calme des grands froids, les glaces flottantes qui viennent de la mer s’arrêtent et s’engorgent dans l’embouchure ; qu’elles se couvrent ensuite d’un amas de neige dont la gelée fait une nouvelle croûte de glace ; que, dans les dégels du printemps, il n’y a que la superficie de cette masse qui fonde pendant le jour pour geler encore la nuit, et que les glaces ainsi cimentées par la neige et la gelée, forment un amas si dur et si solide, que le soleil, ni les courans, ni les vents ne peuvent les dissoudre et les disperser durant l’été. Après bien des années, la quantité de neiges qui s’amassent et se durcissent sur la glace augmente et s’élève de façon que la force du courant y peut creuser en dessous des arches de vingt brasses de hauteur. Les pièces de glace qui tombent chaque année des montagnes dans la baie d’Isblink sont entraînées par le courant sous ce pont. Les plus petites y glissent facilement, et les plus grandes s’y heurtent et s’y